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L'indélicat

21 novembre 2011

Edito

L’indélicat se veut le contre-courant des médias traditionnels. Nous partons du principe que s’insurger bien haut dans sa cuisine ou hurler des torrents d’obscénités à son poste de télé ne fera jamais rien avancer et essayons de lutter à notre manière en traitant de l’actualité politique d’un point de vue alternatif et référencé.

« Le monde dans lequel nous vivons nous entrave et tue nos désirs de vivre mieux. On peut toujours mieux faire et ce n'est pas parce qu'il n'y a rien à faire qu'il n'y a pas mieux à faire » (Daïtro - Un fléau pour un autre)

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6 novembre 2011

Le vote blanc, outil de pression fantôme

« On a le droit de voter parce qu’untel a un beau costard ou parce que le voisin est arabe et qu’il fait du bruit mais on n’a pas le droit de ne pas être d’accord ?  Le vote blanc, c’est dire “je ne suis pas d’accord”. Comment ne pas entendre cette voix dans une démocratie ? ».

Si on peut reprocher un joli panel de choses à Joey Starr, on ne peut certainement pas l’attaquer sur sa vision du démocratique… Nous sommes à un peu plus de six mois des élections présidentielles et la météo retrouve enfin sa grande rivale dans la catégorie « discussion stérile de fin de repas ». Tandis que les convives se voient pousser des vocations d’analyste économique ou de journaliste politique, ceux qui ne se sentent pas concernés par le mouvement de foule auraient tout autant intérêt à s’enfermer dans une bulle au plus profond du Pacifique. Car leur opinion ne compte pas et en France ils sont un bon million et demi dans ce cas-là.

encadré vote blanc

Définition et interprétation

Selon le site internet du parti du vote blanc, « Le vote blanc consiste pour un électeur à déposer dans l’urne un bulletin blanc dépourvu de tout nom de candidat. Voter blanc indique une volonté de participer au débat démocratique mais marque un refus des choix proposés. Ce type de vote est clair et n’autorise qu’une seule interprétation: “Je veux participer mais ce que vous me proposez ne me convient pas ».

Or dans la pratique, l’interprétation du vote blanc est la suivante: vote blanc = vote nul = abstention. Le votant blanc s’exprime mais son opinion n’est pas prise en compte et est traitée comme un refus de participation. On peut également rajouter que pour pouvoir voter blanc il faut obligatoirement apporter son propre bulletin blanc car la loi interdit aux bureaux de vote de les fournir.

Tout cela fait plutôt tâche pour un pays qu’on qualifie volontiers de démocratique.

Pour parler chiffres, au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2007, le vote blanc ou nul a recueilli un peu plus d’1,5 millions de suffrages. S’il était pris en compte dans le résultat final il aurait représenté au second tour 4,2 % des votes, contre 50,8% pour Nicolas Sarkozy et 45% pour Ségolène Royal. A moins d’un point de pourcentage près, le vote blanc venait rogner la légitimité démocratique de la barre des 50%. Cela mis de côté il reste quand même difficile de comprendre que l’opinion d’un million et demi de français ne soit pas prise en compte et soit, pire, recalée au niveau d’une incompréhension des règles de vote.

 Le vote blanc à l’étranger et les mouvements de protestation

NOTA

La grande plupart des pays dits démocratiques appliquent la même recette que la France et ne prennent pas les votes blancs en compte dans le résultat final, mais il y a quand même de rares exceptions. En Europe seule la Suède le reconnait dans le cadre de ses referendums. En Amérique du Sud, l’Uruguay, la Colombie, le Pérou et le Costa Rica le reconnaissent à divers niveaux (possibilité d’invalider les résultats et d’organiser de nouvelles élections si le vote blanc recueille 2/3 des suffrages au Pérou, prise en compte des votes blancs dans le résultat final en Uruguay (mais uniquement car le vote est obligatoire…). Dans le reste du monde : quasiment rien, un grand vide bien blanc.

Mais l’opposition s’organise et on assiste depuis quelques années à l’émergence de mouvements de protestation qui ont pour but la mise en avant et la reconnaissance du vote blanc.

Au Royaume Uni et aux Etats Unis, le mouvement None of the Above est le plus actif. Des partisans du mouvement prennent des initiatives telles que se présenter à des élections locales en ayant préalablement changé légalement de nom (aux élections législatives anglaises de 2010, l’ancien boxeur Terry Marsh opta pour le nom « None of the Above X » afin de permettre aux citoyens d’avoir l’option de s’exprimer et de voir leur vote compter). Dans le cas peu probable où ils remporteraient l’élection, ces candidats promettent le plus souvent de refuser le poste.

L’Espagne s’est récemment faite remarquée avec le parti des bancs blancs (Escaños en blanco). Les élus de ce parti refusent d’occuper les sièges obtenus et du fait de la loi espagnole les sièges restent vides tant que les candidats ne les occupent pas, ne les refusent explicitement ou tant que de nouvelles élections ne soient organisés. Ces élus ne reçoivent alors aucune rémunération et ne se voient pas obligés de remplir leurs fonctions. Ainsi aux élections municipales de 2011, les villages de Gironella (province de Barcelone) et Foixà (province de Girona) ont vu leur nombre d’élus réduits de deux et de un.

En France le jeune parti du vote blanc prévoit de présenter un candidat aux élections présidentielles de 2012. En cas de victoire à l’élection, le parti prévoit d’invalider le scrutin, d’organiser de nouvelles élections en interdisant aux candidats battus de se présenter une nouvelle fois (forçant ainsi les partis politiques à repenser leurs programmes) et de mettre en place une « Assemblée Constituante formée de personnalités issues de la société civile (scientifiques, constitutionnalistes, économistes, sociologues) justifiant de compétences reconnues dans leurs domaines respectifs et qui apporteront une réflexion de fond sur nos institutions, notre Constitution et sur les règles démocratiques de notre pays ».

Proposition de loi

Le 18 Octobre, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée Nationale par quatre députés UMP. Cette proposition qui n’est pas une première en la matière, prévoit la reconnaissance du vote blanc mais prévoit également de rendre le vote obligatoire comme en Belgique et au Luxembourg. Une avancée assez peu démocratique car comme le souligne le parti du vote blanc « transformer ce droit en obligation s’éloignerait de la notion même de démocratie. En effet, le vote est un acte citoyen libre, consenti et volontaire. En ce sens, le droit de voter doit aussi demeurer le droit de ne pas voter. Il en va de notre liberté d’expression, de penser et d’opinion ». Et l’Association pour la reconnaissance du vote blanc de rajouter : « On ne peut pas être à la fois pour le vote blanc qui donne plus de pouvoir à l’électeur et le responsabilise et accepter le vote obligatoire qui l’infantilise à nouveau. Les commentateurs auraient vite fait de dire que les bulletins blancs émis seraient dus à des électeurs qui en temps normal se seraient abstenus et qui l’a ont bâclé leur vote. Le vote blanc n’a de force qu’à partir du moment où l’électeur aurait pu rester chez lui ».

Echec de la démocratie ?

voteblancL’hypothèse du vote blanc comme catalyseur de l’indécision stagnante est souvent avancée. Michel Charasse (ex-ministre du budget, sénateur et membre du conseil constitutionnel) va jusqu’à dire que  « ceux qui souhaitent comptabiliser les bulletins blancs ont une idée derrière la tête : démolir la république et l'Etat, mais sans dire au profit de qui ou de quoi....»

Mais il est plus probable que le véritable problème du vote blanc soit qu’il est une gigantesque épine dans le pied de la classe politique. Dans une aire de mécontentement général, de prise de conscience globale, de déception et de désenchantement vis-à-vis du politique, le vote blanc peut devenir une arme. Reste à pouvoir la sortir de son étui.

A la question «Si le vote blanc gagnait, serait-ce un échec pour la démocratie ? », José Saramago, l’écrivain Portugais prix Nobel de littérature répondait « 40 ou 50% d’abstention, n’est-ce-pas un échec pour la démocratie ? Ceci nous conduit à la pire des conclusions, celle des politiciens qui préfèrent l’abstention parce qu’ils y sont habitués et nous avec ». Et mettre le vote blanc dans le même sac que l’abstention c’est une manière simple et efficace de vider la démocratie de son sens.

6 novembre 2011

Interview de Stéphane Guyot, président du Parti du Vote Blanc

6 novembre 2011

Rencontre avec Olivier Durand de l'Association pour la reconnaissance du vote blanc

Nous continuons notre dossier consacré au vote blanc avec une interview d'Olivier Durand, président de la très active Association pour la reconnaissance du vote blanc.

L'indélicat: Bonjour Olivier Durand, vous êtes président de l’association pour la reconnaissance du vote blanc et webmaster du très complet site www.vote-blanc.org. Pouvez-vous vous présenter rapidement ainsi que votre association et son action ?
Olivier Durand: Je suis un citoyen ordinaire, salarié, syndiqué, élu syndical même, sans être un militant syndical caricatural. L’Association pour la reconnaissance du vote blanc a été créée en 1994. Elle est composée de simples citoyens qui souhaitent que le vote blanc soit comptabilisé comme un suffrage exprimé. L’Association n’appelle pas à voter blanc et beaucoup de ses membres votent régulièrement pour des candidats, d’horizons divers. Le travail de l’Association a été d’argumenter ses positions, de travailler avec les parlementaires concernés par la question, de médiatiser le sujet et de nouer des contacts avec des mouvements identiques à l’étranger.

LI: Pourquoi vous êtes-vous engagé dans ce combat pour la reconnaissance du vote blanc ? Est-ce parti d’un événement précis ?
OD: Depuis mes 18 ans, je ne suis pas satisfait par le sort réservé aux bulletins blancs, n’arrivant pas à comprendre pourquoi mon vote est jugé pertinent quand je choisis un candidat et vide de sens quand je vote blanc. Je considère que l’on a détourné l’acte électoral de son poids symbolique en le transformant en outil à seul usage des états-majors des partis. En 1994, je me suis dit qu’il ne suffisait pas de se plaindre et qu’il fallait se bouger pour changer les choses et l’Association est née.

LI: L’association Blanc c’est exprimé et le parti du vote blanc souhaitent chacun présenter un candidat aux élections présidentielles de 2012. Pensez-vous que leur initiative a une chance d’aboutir au vu de vos précédents problèmes avec la justice lors des législatives de 1997? Collaborez-vous par ailleurs avec ces organismes (Le Parti du vote blanc et Blanc c’est exprimé) ?
OD: Nous ne choisissons pas la tactique de la présence aux élections parce que sans argent, elle est vouée à l’échec. Impossibilité d’obtenir les 500 parrainages pour la présidentielle et nécessité d’avoir de nombreux candidats – plus d’une centaine – pour les législatives. Les six ans de conseiller régional de Gautier n’ont en rien fait avancer le schmilblick et ont juste garanti la notoriété du monsieur. Les initiatives du Parti blanc (2002, 2007) ont entraîné une débauche d’énergie pour un résultat sur la forme (les médias ont dit qu’il y avait une tentative de candidature) et pas sur le fond. La tentative de 2012 ne donnera pas mieux.
Nous avons fait une candidature aux législatives de 1997 dans un but médiatique en disant que pour la première fois des bulletins blancs étaient disponibles dans un bureau de vote. ‘Ceci est un bulletin blanc’ était écrit en gros sur le bulletin et le nom du candidat en petit. Ce n’était pas une action pour être élus. C’était une candidature très peu chère et j’ai été condamné par le Conseil constitutionnel parce que nous n’avons pas envoyé le rapport sur frais de campagne qui devait être validé par un expert-comptable ce qui nous aurait coûté beaucoup plus cher que la campagne elle-même. Depuis, il n’est plus demandé cette formalité aux tout petits candidats. Nous sommes en contact avec le Parti du Vote Blanc et son webmaster vient d’adhérer chez nous afin de faciliter la transmission d’informations entre les deux sites.

 LI: Vous interpellez régulièrement des politiciens au niveau français et européen. Quel genre de réaction vos lettres suscitent elles et avez-vous pu obtenir des résultats concrets grâce à ce type d’action ?
OD: Le contact avec les parlementaires est décevant. Souvent ce sont des initiatives isolées sans lendemain et on se demande pourquoi l’élu ou le groupe d’élu a pris l’initiative de rédiger une proposition de loi. Toutefois, nos démarches n’ont pas toujours été infructueuses. En 1998, nous avons obtenu du président du Parti radical valoisien le financement du seul sondage sur le vote blanc. En 2003, le groupe UDF de l’Assemblée a utilisé sa niche législative pour mettre au débat le vote blanc. Le rapporteur Gérard Vignoble avait allègrement utilisé notre livre de 1999 (fait pour ça) pour alimenter sa plaidoirie. Aujourd’hui nous comptons sur Franck Reynier qui a un projet d’action large sur la démocratie avec son groupe mais le forfait de J-L Borloo ne simplifie pas sa démarche.
Au niveau européen c’est plus délicat parce que l’UE n’interfère pas dans les règles électorales des pays, donc nous essayons de les sensibiliser sur leurs votes pour l’exécutif européen et obtenir que lorsqu’ils sont électeurs, le vote blanc soit un suffrage exprimé.

LI: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le collectif « citoyens européens pour le vote blanc » ?
OD : Le collectif européen est une œuvre grandiose et très fragile. Malheureusement, nous sommes les seuls à avoir de la constance dans les idées. Dans beaucoup de pays, un mouvement nait à la veille d’une élection et disparaît peu après. Heureusement que les Espagnols sont là. Il faut écrire à tous ces gens dans leur langue si on veut espérer un échange. C’est lourd, pas forcément fructueux mais il faut le faire.

LI: Le mois dernier 4 députés UMP ont déposé une proposition de loi visant à reconnaitre le vote blanc comme suffrage exprimé mais visant également à rendre le vote obligatoire. Est- ce pour vous une avancée ? Le fait que cette proposition émane du parti majoritaire est-il un bon signe ?
OD: Jusqu’à présent, c’est essentiellement la droite qui a déposé des propositions de loi en faveur du vote blanc. Le PS est aux abonnés absents. Ce n’est donc pas surprenant que 4 UMP pondent un texte. Nous avons préféré celui de Martine Aurillac en 2008 et surtout celui de Jacques Remiller en 2010 qui, pour la première fois, envisageait un seuil au-delà duquel une élection serait annulée. Nous sommes contre le vote obligatoire. On ne peut pas être à la fois pour le vote blanc qui donne plus de pouvoir à l’électeur et le responsabilise et accepter le vote obligatoire qui l’infantilise à nouveau. Les commentateurs auraient vite fait de dire que les bulletins blancs émis seraient dus à des électeurs qui en temps normal se seraient abstenus et qui l’a ont bâclé leur vote. Le vote blanc n’a de force qu’à partir du moment où l’électeur aurait pu rester chez lui.

LI: Pourquoi à votre avis le vote blanc n’est-il aujourd’hui toujours pas reconnu comme suffrage exprimé ?
OD: Le vote blanc n’est toujours pas comptabilisé comme suffrage exprimé parce que les partis considèrent que l’acte électoral leur appartient et que les électeurs sont trop stupides pour pouvoir profiter d’un tel avantage ; selon eux, si le vote blanc était reconnu, les électeurs s’en serviraient à tort et à travers. Nous sommes dans une démocratie où le citoyen de base n’est toujours pas considéré comme une richesse mais comme un emmerdement. Comme ce sont les partis qui décident en la matière, ils empêchent toute avancée (aidés par l’intelligentsia : médias, universitaires…). Bruno Gaccio est l’exemple type de cette vision des choses. Il est reçu par tous les médias parce qu’il appartient au sérail et son discours satisfait le politique (PS) et l’universitaire (Guy Carcassonne notamment) parce qu’il laisse le peuple à sa place.

LD: Que pensez-vous par ailleurs de la position de Bruno Gaccio ? Est-il possible que sa position d’homme médiatique nuise à votre action ?
OD: Pour notre position par rapport à ce qu’il défend : voir le site. Je rajouterai qu’aujourd’hui on a mieux que ce qu’il propose puisque à chaque élection on connaît le nombre de blancs et nuls (ndlr : Bruno Gaccio souhaite uniquement séparer les votes blancs des votes nuls lors du décompte sans les prendre en compte). En 1995, on a pu faire passer dans le courrier des lecteurs du Monde l’info disant que pour la première fois sous la Vè République le vainqueur de la présidentielle n’aurait pas eu la majorité absolue si le vote blanc avait été pris en compte. Si comme Gaccio le demande on avait retiré les bulletins nuls, on n’aurait sûrement pas eu ce résultat. Or, quasi tous ces bulletins sont dans l’esprit des votes blancs. L’idée de Gaccio est un recul et sûrement pas une avancée.

LD: Admettons que demain votre action porte ses fruits et que le vote blanc retrouve enfin la même valeur qu’un suffrage « classique », quelle suite donneriez-vous à votre action ?
OD: Si le vote blanc devient un suffrage exprimé et que le vote n’est toujours pas obligatoire, l’Association disparaîtra.

LD: Merci beaucoup Olivier Durand

6 novembre 2011

L’alternative est-elle possible en politique ?

Jon Gnarr DragEn Mai 2010, un séisme secouait la classe politique islandaise. Jon Gnarr, ancien punk connu des islandais pour ses talents d’humoriste et d’acteur était élue à la mairie de Reykjavik, petite capitale de 120,000 habitants.

A la tête d’une liste regroupant 15 glorieux anonymes allant du punk à la mère au foyer, Jon Gnarr et son « Best Party » venait de battre le traditionnel parti de l’indépendance avec un programme truffé de promesses farfelues (qu’il promettait par ailleurs de ne pas tenir), allant de l’acquisition d’un ours polaire pour le zoo de Reykjavik, au projet de construction d’un Disneyland près de l’aéroport de la ville, à l’engagement en faveur de la gratuité des serviettes dans les piscines municipales.

Celui que l’opposition qualifie sans humour de clown avait fait de l’absurde son cheval de bataille et c’est ce que la grande majorité des médias qui se sont intéressés à lui ont retenu du personnage. Mais si l’on s’y intéresse de plus près il est facile de voir que derrière cette façade bon-enfant, la part de sérieux est énorme et les idées novatrices.

Rejet de la politique, anarchisme et féminisme

Dans un très long entretien accordé au magazine Islandais en langue anglaise The Grapevine, Jon Gnarr revient à plusieurs reprises sur les problèmes majeurs qui entravent sa volonté de faire bouger les choses : la politique et les politiciens. Pour lui ce sont le formalisme et la déconnexion d’avec le monde réel de la classe politique (« ils essayent encore d’analyser une nouvelle ère avec leurs vieilles méthodes. Ce serait drôle si ça n’était pas aussi triste et dangereux », « Nous votons pour des représentants auxquels nous n’avons plus accès par la suite. J’aimerais voir une sorte de système où la politique disparait de l’équation, au moins au niveau de la municipalité »). Et ce sont des choses contre lesquelles il essaye de lutter, notamment en tenant la population informé de son quotidien de maire via sa page Facebook « Diary of a Mayor » et la mise en place du site internet « Better Reykjavik », encourageant la démocratie directe en offrant aux citoyens la possibilité de faire des propositions et de donner leur avis sur des débats en cours…

Il parle également du féminisme et de son combat pour l’égalité des sexes (« Je pense qu’une majorité des problèmes du monde se résoudraient tout seuls si on construisait une société où les femmes seraient au pouvoir. Ce n’est pas certain que ça fonctionne sur le long terme, je pense qu’il est toujours nécessaire de viser une égalité des sexes, mais ça pourrait nous apprendre une bonne leçon ») en s’attaquant notamment aux organisations subventionnées par la ville. Celles-ci doivent maintenant justifier de l’application de la charte des droits de l’homme de la ville qui inclut la parité homme / femme dans les comités de direction afin de continuer à recevoir l’appui financier de la ville.

Le personnage ne manque bien sûr pas d’attirer les critiques des anciens partis majoritaires qui lui reprochent son manque d’éducation (Gnarr a arrêté l’école très jeune), son mépris du protocole et son apparente décontraction lors de conseils municipaux. Ils l’attaquent également sur son bilan provisoire qui inclut une hausse des impôts locaux et une diminution du budget de la ville et n’hésitent pas à user de chiffres issus d’un sondage datant de septembre qui crédite Gnarr d’un plutôt maigre 38% d’opinions positives. Ce à quoi le maire rétorque « ces sondages ne me touchent pas vraiment. Nous nous attaquons à des sujets qui vont impacter sur notre popularité et nous en sommes conscients. C’est une des raisons pour lesquelles personne ne s’y était attaqué avant. Mais nous ne sommes pas là pour participer à un concours de popularité et nous ne cherchons pas à être réélus. »

Les précédents Jello Biafra et Coluche

Jello BiafraEn 1979, Jello Biafra, chanteur des mythiques Dead Kennedys (groupe fondateur du mouvement punk-hardcore dans les années 80) se présente aux élections municipales de San Francisco. Son programme inclut quelques pépites qui seront retenues par les médias : obligation pour les hommes d’affaire de s’habiller en clowns, construction de statues de Dan White (l’assassin d’Harvey Milk) dans tous les parcs de la ville, emploi d’agents municipaux pour aller faire la manche dans les quartiers huppés de la ville…

Mais d’autres propositions novatrices comme la légalisation du squattage dans les immeubles vides appartenant à des entreprises ne remplissant pas leurs obligations fiscales ou l’obligation pour les policiers de se faire réélire dans leurs quartiers respectifs (les forçant ainsi à rendre des comptes dans les cas de violences policières (notamment racistes) très répandues à cette époque.) ne furent pas l’objet de l’intérêt des médias, au grand dam du principal intéressé. Jello Biafra termina en quatrième position avec 3,79% des suffrages et rejoignit le Green Party où il se présenta à l’investiture pour les présidentielles de 2000, perdant contre Ralph Nader et le soutenant par la suite très activement dans ses différentes campagnes.

Deux ans plus tard, en France, la candidature de Coluche aux élections présidentielles de 1981 fait les gros titres. Sa célèbre déclaration de candidature « j'appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter pour moi, à s'inscrire dans leurs mairies et à colporter la nouvelle. Tous ensemble pour leur foutre au cul avec Coluche, le seul candidat qui n’a aucune raison de vous mentir ! » fait date, et les 16% d’intentions de vote avec lesquelles il est crédité à 6 mois des élections sèment la panique dans les rangs des candidats.


Son intention de montrer aux hommes politiques qu’un clown assumé puisse être élu fait peur. S’ensuit un véritable blocus médiatique (annulation d’interviews et d’émissions télés…) facilité par le fait que les responsables des trois chaînes télés et de Radio France sont choisis par le pouvoir. Les pressions et diverses menaces exercées sur Coluche conduisent finalement au retrait de sa candidature et très probablement à la victoire de la gauche et de François Mitterrand qui récupèrent une grande partie de l’électorat de l’humoriste.

La surprise du Parti Pirate à Berlin

Pirate PartyA la mi-septembre 2011, un parti politique créait la surprise à Berlin. Le Pirate Party avec 8,9% des suffrages, obtenait 15 sièges au parlement du land de Berlin. Affilié au parti pirate suédois, il milite notamment pour une plus grande liberté sur Internet, une refonte des règles de propriété intellectuelle, la transparence au niveau gouvernemental ou encore la gratuité des transports publics et la légalisation de la Marijuana.

Le Pirate Party s’était déjà fait remarquer en 2009 en Suède lorsqu’il avait réussi à obtenir deux sièges au parlement européen et était devenu en moins de 2 ans la troisième force politique du pays en nombres d’adhérents. Il s’était également distingué lors du procès Pirate Bay en hébergeant gratuitement une partie des serveurs du site de téléchargement illégal. En 2010 il avait rendu le même service à Julian Assange et à son site Wikileaks, démontrant ainsi son soutien à la cause de la transparence des informations au niveau étatique.

La question de la légitimité

Ces diverses initiatives émanant d’organisations ou de personnes étrangères au milieu de la politique ont bien entendu pour effet d’agacer la classe politique en place. Fustigeant le plus souvent l’inexpérience et la supposée irresponsabilité de leurs opposants (Pierre Bourdieu résumant d’ailleurs brillamment la situation : « Sur l'usage que certains hommes politiques font de l'accusation d'irresponsabilité lancée contre les profanes qui veulent se mêler de la politique : supportant mal l'intrusion des profanes dans le cercle sacré des politiques, ils les rappellent à l'ordre comme les clercs rappelaient les laïcs à leur illégitimité ») ils ont néanmoins de plus en plus de difficultés à trouver une oreille attentive auprès de la jeunesse qui voit en ces partis « alternatifs » un moyen d’exprimer son exaspération; une exaspération vis-à-vis du monde politique qui est souvent perçu comme une élite totalement déconnectée du monde réel et incapable d’apporter des solutions concrètes aux problèmes d’une jeune génération d’électeurs. 

Si la route vers le changement structurel du modèle politique est encore très longue, il se peut qu’on soit enfin en train d'assister à la pose de ses premiers pavés. Et comme le résume bien Jon Gnarr, « Nous n’avons pas besoin de leaders. Nous avons avant tout besoin de plus de responsabilités individuelles ».

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